De nos jours on trouve des piscines tubulaires de 4400 litres et 3 mètres de diamètre pour 99 EUR. Des modèles gonflables de même capacité se vendent à moins de 60 EUR - filtration comprise ! Mais on dépense facilement beaucoup plus que cela en accessoires divers, juste pour le plaisir de faire un peu de physique appliquée dans son jardin. Cet article présente quelques ordres de grandeurs et calculs amusants concernant la mécanique, la thermodynamique et la chimie des piscines de jardin.
Historiquement, les piscines de jardin pour enfants étaient constituées d'un empilement d'anneaux gonflables.
Les piscines modernes ont plutôt un anneau gonflable au sommet et une paroi inclinée. On pourrait penser que l'anneau flotte sur l'eau et tire la paroi vers le haut. En réalité, l'anneau ne sert qu'à maintenir la forme circulaire du bord supérieur, et c'est la pression hydrostatique qui pousse la paroi vers le haut.
Les piscines tubulaires ont une paroi verticale suspendue à un cadre polygonal constitué de tubes et de raccords, posé sur des pieds. Ce type de piscine est probablement plus sûre : de jeunes enfants peuvent facilement se tenir au cadre, alors qu'ils pourraient avoir des difficultés à s'accrocher au bord large et glissant d'un modèle gonflable.
Pour les calculs numériques nous supposerons :
- Diamètre : 3,05 m
- Quantité d'eau : 4400 kg
- Surface de l'eau : 6,5 m²
- Hauteur d'eau : 0,68 m
- Température ambiante : 20°C (293 K)
- Température désirée pour l'eau : 30°C (303 K)
- Capacité thermique : Cp = 4180 J/kg/K
- Chaleur latente de vaporisation : L = 2260 kJ/kg
La paroi de ces piscines est généralement constituée d'une trame de polyester laminée entre deux couches de PVC. Elle doit être résister à la pression hydrostatique.
On dimensionne les réservoirs pressurisés cylindriques à paroi mince à l'aide de la formule S=P*r/t où S est la contrainte tangentielle, P est la pression relative à l'intérieur, r est le rayon de courbure, et t est l'épaisseur de la paroi.
Ici r = 1,5 m, P = 6800 Pa au fond, et t = 0,71 mm. La paroi doit donc avoir une résistance à la traction d'au moins 14 MPa. Cette estimation est compatible avec la résistance du polyester : 55 MPa.
D'après la même formule, le plus grand modèle de piscine du même fabricant doit avoir une paroi environ 5 fois plus épaisse, soit entre 3 et 4 mm, pour un diamètre de 7,92 m et une hauteur d'eau de 1,17 m.
Il faut 184 MJ (51 kWh) pour augmenter la température de l'eau de 10 K. Au prix de 0,15 EUR/kWh, un réchauffeur de 3 kW peut s'acquitter de cette tâche en 17 heures pour 8 EUR. Le réchauffeur doit continuer à fonctionner pour compenses les pertes.
À titre de comparaison, le remplissage de la piscine avec de l'eau du robinet revient à 19 EUR.
On trouve des pompes à chaleur conçues pour réchauffer les petites piscines privées ! Les fabriquants recommandent 3 kW pour des piscines jusqu'à 12 m³ et 12 kW jusqu'à 60 m³, ce qui semble sous-dimensionné sauf si le but est seulement de compenser les pertes. Le coefficient de performance annoncé est compris entre 4 et 5.
Une bâche solaire (ou bâche à bulles) est une couverture en plastique semblable à un emballage à bulles, que l'on fait flotter à la surface de la piscine. Cette dénomination suggère qu'elle sert à capturer l'énergie solaire, peut-être par effet de serre. En réalité l'eau absorbe naturellement très bien le rayonnement infrarouge, même sans ajout d'une vitre ou autre paroi.
L'effet de la bâche à bulles est probablement plutôt de réduire les pertes thermiques :
- L'air emprisonné dans les bulles agit comme une couche isolante contre les pertes thermiques par conduction.
- La bâche limite l'évaporation, qui est une cause de refroidissement significative : Lorsque 1 % de l'eau s'évapore, la température chute d'environ 5 K.
Les capteurs solaires destinés à réchauffer l'eau des piscines sont essentiellement des panneaux en polyéthylène noir traversés par des conduites d'eau.
Un capteur solaire reçoit jusqu'à 1100 W/m² du rayonnement solaire direct et indirect. D'après la loi de Stefan, à 303 K, le capteur lui-même émet 480 W/m². En supposant que le sol et l'environnement émettent comme un corps noir à 293 K, la face inférieure du capteur reçoit 420 W/m². Le gain net maximum du capteur solaire est donc 560 W/m². Cette valeur chute à 240 W/m² pour une incidence de 45°, et à presque 0 pour une incidence de 60°. On pourrait faire beaucoup mieux en isolant la face inférieure du capteur.
La nuit, le capteur solaire se comporterait comme un refroidisseur radiatif, gaspillant environ 500 W/m² par une nuit sans nuages. On évite ceci en isolant le capteur du circuit de filtration à l'aide d'une vanne bypass.
On peut vouloir installer un capteur solaire verticalement pour plusieurs raisons :
- pas assez de place au sol ;
- trop d'ombre au niveau du sol ;
- pour capturer de l'énergie le matin, lorsque le soleil est encore bas sur l'horizon.
L'installation verticale induit les complications suivantes :
Les pompes de filtrage rejettent au plus à 1 m. Il faut donc purger l'air du circuit et l'empêcher d'y pénétrer. Sinon la circulation s'interrompra et la pompe risque de surchauffer.
On peut purger en injectant de l'eau en bas du circuit, par exemple en branchant un tuyau d'arrosage, mais il faut éviter de mettre les capteurs sous pression ; ils ne résistent qu'à environ 1 bar.
La pression au sommet du circuit sera inférieure à la pression atmosphérique. Ceci peut s'avérer incompatible avec les raccords de plomberie usuels, qui sont conçus pour des pressions positives. Par exemple, les raccords rapides des tuyaux d'arrosage ne sont pas étanches à pression négative.
Enfin, voici une approche pour installer un capteur solaire verticalement :
ajouter un piège à bulles transparent et un clapet anti-retour au point le plus haut du circuit ;
ajouter une vanne à boisseau et un raccord pour tuyau d'arrosage en bas du circuit ;
installer la vanne bypass à la sortie du capteur plutôt qu'à l'entrée ;
ajouter un clapet anti-retour à l'entrée du capteur.
Avec cette configuration il est possible d'isoler le capteur du circuit de filtration, et de purger l'air sans danger en injectant de l'eau.
La conduction thermique vers le sol est probablement responsable d'une part significative des pertes. Considérons une piscine installée sur un tapis en mousse d'EVA de 13 mm d'épaisseur. En supposant que le sol est à température ambiante et que la mousse d'EVA a la même conductivité thermique que de la mousse polyuréthane (0,02 W/m/K), les pertes sont de l'ordre de 15 W/m² (0,02 K/h). En supposant qu'en réalité le poids de la piscine comprime la mousse en une couche de 5 mm d'épaisseur et de même conductivité thermique que l'EVA solide (0,34 W/m/K), on obtient 680 W/m² (0,9 K/h). En pratique un sol sec fournit une isolation supplémentaire.
Par ailleurs le tapis en mousse protège le fond de la piscine des cailloux et autres débris pointus que l'on ne remarque pas tant que la piscine est vide.
On peut s'amuser à positionner la piscine et les capteurs solaires optimalement en tenant compte des éphémérides du Soleil pour le lieu et la période concernés, des statistiques d'ensoleillement, et de la géométrie des immeubles et arbres avoisinants.
Une piscine de jardin est un réacteur chimique de plusieurs tonnes dont il faut contrôler l'évolution pendant toute la saison d'été. Même si ce n'est pas aussi difficile que de gérer une piscine enterrée dont on conserve l'eau pendant plusieurs années, la chimie en question est intéressante.
L'eau doit être désinfectée et rester désinfectante pendant plusieurs jours malgré l'introduction continue de contaminants biologiques divers : parasites, bactéries, virus, spores, cystes.
L'eau doit satisfaire des critères esthétiques. Les algues prolifèrent sous l'effet du soleil et rendent l'eau verdâtre. Les particules et suspensions colloïdales rendent l'eau turbide.
L'eau ne doit pas avoir une odeur désagréable.
Voici un aperçu de quelques techniques couramment employées :
La filtration mécanique, soit avec du sable soit avec un filtre synthétique, élimine les particules au dessus d'une certaine taille (typiquement 10-20 µm).
La chloration est la technique de désinfection la plus connue. [ NaOCl → Na+ + ClO- ].
La réaction avec les composés azotés (tels que la sueur) produit des chloramines qui sont responsables de l'odeur caractéristique des piscines chlorées. [ NaOCl + NH3 → NH2Cl + NaOH ], [ NaOCl + NH2Cl → NHCl2 + NaOH ], [ NaOCl + NHCl2 → NCl3 + NaOH ].
L'électrochloration consiste à dissoudre du chlorure de sodium dans l'eau afin de produire de l'hypochlorite à la demande par électrolyse : NaCl + H2O → NaOCl + H2.
Le troclosène sodique (DCCNa) dihydraté (CAS 51580-86-0) libère du chlore lentement ; il reste actif pendant plusieurs jours.
La diéthyl-p-phénylènediamine (DPD) est utilisée pour doser par colorimétrie le chlore libre et les autres oxydants.
Un pH trop élevé fait précipiter les carbonates, ce qui donne à l'eau un aspect laiteux. Par ailleurs, à pH élevé, le chlore est présent sous forme d'hypochlorite (OCl-), dont l'action désinfectante est plus faible que celle de l'acide hypochlorique (HOCl). On abaisse généralement le pH en ajoutant de l'hydrogénosulfate de sodium (NaHSO4) (CAS 7681-38-1), sel produit par neutralisation partielle de l'acide sulfurique.
Un pH trop faible provoque l'évaporation rapide du chlore. On augmente généralement le pH en ajoutant du carbonate de sodium (Na2CO3) (CAS 497-19-8).
Des traitements à base de brome ou de péroxydes sont parfois utilisés à la place de la chloration.
Des agents précipitants et floculants peuvent être ajoutés pour éliminer par filtration mécanique les impuretés dissoutes ou suspendues.
De façon générale la purification de l'eau couvre aussi l'élimination d'autres contaminants tels que les gaz dissous, les métaux lourds, les pesticides et les hydrocarbures, mais ces problèmes ne se posent pas dans le cas d'une piscine remplie à l'eau du robinet.